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Présence militaire outre-mer depuis 1960

mardi 16 avril 2013, par Maurice Faivre

La décolonisation a changé de fond en comble la présence de la France outremer. Avant 1960, l’Empire français, sur lequel le soleil ne se couchait jamais, s’étendait sur 12 millions de km2 et comptait 69 millions d’habitants. Cet Empire comprenait des départements, des colonies, des protectorats et des territoires sous mandat. L’armée française y était implantée sous les ordres de Commandants supérieurs, et y recrutait des unités autochtones de tirailleurs, de spahis et de goumiers, qui ont participé aux conflits mondiaux et coloniaux. Ces unités apportaient un appoint en effectif qui renforçait la mobilisation des Français, sans constituer cependant la chair à canon décrite par certains (voir tableau joint). En 1943, il est indéniable que l’Empire a été la base de départ de l’Armée d’Afrique, des Forces françaises libres et des troupes coloniales qui ont débarqué en Provence et libéré la moitié du territoire français.

A partir de 1960, l’Empire disparaît et la France se réduit à l’hexagone. Les anciennes colonies, protectorats et mandats acquièrent leur indépendance ; l’Algérie suit en 1962. Le statut des forces stationnées outre mer est alors profondément modifié. Les troupes coloniales, devenues troupes de Marine en 1960, ont peu à peu perdu leurs soldats autochtones, dont le pourcentage est tombé de 65% en 1961 à 43% en 1963 ; ils ont disparu à la fin des années 60.

C’est en vertu des accords de défense conclus en 1960 avec huit pays africains, et du protocole de 1977 avec Djibouti, que des Forces de présence ont été maintenues dans certains pays. D’autre part, les Forces de souveraineté sont restées installées dans les DOM-COM1, où le Service militaire adapté (SMA) dispense une formation professionnelle et où les armes nucléaires et spatiales sont expérimentées. Enfin, des Missions d’observation, et des Forces de maintien de la paix ont mis en œuvre des opérations extérieures (OPEX) à la demande de l’ONU, de l’OTAN ou de l ’Union européenne.

De 1960 à nos jours, l’organisation et les effectifs de ces forces ont été affectés par l’évolution de la situation mondiale : fin de la guerre d’Algérie, suivie de nombreuses crises au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie du sud-est et dans les Balkans. A quatre reprises pendant cette période, les armées françaises ont été profondément restructurées ou même refondées, leurs effectifs totaux passent de un million d’hommes en 1960 à 339.500 en 2008, et devraient se stabiliser à 225.000 hommes en 2012. Parallèlement les effectifs outre-mer sont passés de 76.000 en 1961 à 18.000 hommes en 1976, pour remonter à 35.000 en 2009. Neuf bases de défense ont été constituées.

Forces de souveraineté

Ces Forces, qui comptaient moins de 9.000 hommes dans les années 60, ont atteint 22.000 hommes1 en 1968 et 13.650 hommes en 2010, dont 3.030 militaires du SMA. Elles sont placées aux ordres de cinq Commandants supérieurs :

  • Le Comsup des Antilles à Fort-de-France a sous ses ordres 2 bataillons , soit 1700 hommes répartis entre la Guadeloupe et la Martinique, auxquels s’ajoutent 1.150 militaires (SMA) et 1500 gendarmes. Il dispose d’une frégate, de 3 patrouilleurs, de 3 avions Casa et de 4 hélicoptères.
  • Le Comsup de Guyane a sous ses ordres deux régiments, soit 1.980 hommes, 600 SMA et 800 gendarmes. Il dispose de 7 hélicoptères, 2 patrouilleurs et 2 vedettes.
  • Le Comsup de Nouvelle Calédonie commande un régiment, soit 1.660 h et 760 gendarmes, il dispose de 3 Casa, 5 hélicoptères, 2 patrouilleurs et 1 vedette.
  • Le Comsup de Polynésie française a un régiment sous ses ordres, soit 1.500 h, 280 SMA et 540 gendarmes ; il dispose de 2 Casa, et 2 hélicoptères.
  • Le Comsup de la Réunion a un régiment sous ses ordre, soit 1.500 h., 1.000 SMA et 1.150 gendarmes. Il dispose de 2 avions Transall, 4 hélicoptères, 1 frégate, 2 patrouilleurs et 3 remorqueurs. Un détachement est affecté à Mayotte.

La présence dans le Pacifique a été marquée les campagnes de tir nucléaire à Mururoa, la crise de Nouvelle-Calédonie de 1984 à 1988 (grotte d’Ouvéa), l’interception d’un navire de Grean Peace en 1973, et en juillet 1985 l’affaire du Rainbow Warrior.

De 1966 à 1996, 46 essais par air et 146 souterrains ont été effectués, le premier essai thermonucléaire en 1968, en dépit de l’Interdiction internationale de 1966 ; les essais ont été suspendus en 1996.

Forces de présence

Quatre Zones d’outre-mer (ZOM), comptant 68.000 hommes en 1961, ont été réduites à 9.000 h. de 1989 à 1993, dont 4.000 h. à Djibouti, 1.200 au Sénégal, 500 en Cote d’Ivoire, 500 au Gabon, 1.200 en RCA, 750 au Tchad et 700h au Rwanda. Elles sont alors subordonnées à deux Comsup (Djibouti et Cap Vert) et deux Comtroup. Le Gabon constitue une base de départ des opérations.

Les unités stationnées en Cote d’Ivoire, au Tchad et en RCA sont passées du statut de forces de présence à celui de force de maintien de la paix. En 2010, les forces de présence ne comptent plus que 6.000 h. :

  • 2.900 h à Djibouti, avec 10 Mirage 2000, 1 Edic et 9 hélico,
  • 980 h. au Gabon avec 2 avions C160,
  • 1.200 h au Sénégal, renforcés d’unités en mission pour 4 mois,
  • 2 frégates, 1 commando et un avion Patmar aux ordres de l’amiral en Océan Indien.

Des exercices interalliés sont organisés en Méditerranée (octobre 2004), d’autres ont lieu avec les Emirats ( févr. 2005), avec le Koweit (février 2004) et l’Inde ( septembre 2007 et 2010). Depuis 2004, le programme RECAMP, devenu EURORECAMP en 2007, vise à renforcer la capacité militaire des unités de maintien de la paix en Afrique.

Des accords de coopération ont été conclus avec 19 pays africains et 4 pays en Océan Indien, comprenant assistance technique, formation de stagiaires et cession de matériels. Cette coopération a été prise en main par les Affaires étrangères en 1998 ; elle comprend 925 coopérants et 479 ETPT2 en 2008, pour un coût de 112 millions d’euros en 2006 et 92 ?5 en 2009 (137 M € en 1990). 26 missions de coopération technique et 15 écoles de formation à vocation régionale (ENVR) emploient 106 cadres.
Une nouvelle base a été créée à Abu-Dhabi le 26 mai 2009. Baptisée Camp de la Paix, elle est répartie sur 3 sites (Terre, Air, Mer) et constitue un point d’appui prioritaire dans le Golfe persique. Son budget est de 20 M€

Opérations extérieures

Les premières OPEX ont été en 1948 des missions d’observation ; elles ont été suivies en 1950 de l’intervention en Corée, et de 1958 à 1988 de missions de maintien de la paix ou d’interposition, réalisées avec l’accord des parties au conflit. L’emploi de la force fut autorisé dès 1960 par le Conseil de Sécurité au Zaïre, en application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

Certaines missions sont des initiatives françaises (Cameroun, Tchad, Congo, Calédonie, Cote d’Ivoire), d’autres sont commanditées par l’ONU.

Depuis la fin de la guerre froide (1989) les OPEX se sont intensifiées et ont eu recours à des spécialistes civils et à une composante policière. L’ONU a pris en charge des Etats en décomposition en vue de les reconstruire, avant d’être relayée par l’OTAN, puis par l’Union européenne. Ce fut le cas lors de la guerre du Golfe de septembre 1990 à janvier 1991, où la division Daguet comptait 13.000 Français. En 2011, l’intervention en Libye constitue une opération d’un nouveau type.

Plus de 150 missions de l’ONU ont été réalisées depuis 1960, dont une quarantaine avec participation française. Désormais, les nouvelles missions de l’ONU sont alimentées en priorité par des Afro-Asiatiques.

Les OPEX conduites par la France ne peuvent pas être toutes mentionnées dans cet exposé, qui se limitera aux plus importantes, regroupées par région géographique. Engageant 8.000 h dans les années 90, elles ont atteint 13.000 soldats français en 2008, réduites à 9.500 en 2010. Le séjour des unités étant limité à 4 ou 6 mois, l’effectif engagé est de 30.000 soldats par an.

Moyen Orient.

Après avoir engagé en 1948 une vingtaine d’observateurs (ONUST) dans la surveillance de la trêve entre Israël et les pays arabes, la France prend part en 1978 à la création de la FINUL au Sud-Liban avec 1.200 hommes sur un total de 6.000. S’y distinguent les colonels Salvan (grièvement blessé) et Cann, ainsi que le général Cuq. En juin 1982, l’armée israélienne traverse le dispositif de la FINUL et atteint Beyrouth. A la demande du gouvernement libanais, une « Force multinationale d’interposition » est déployée à Beyrouth en septembre 1982 pour aider au repli palestinien et assurer la sécurité de la population. L‘armée française y participe avec 1.200 puis 2.000 hommes, sur un total de 5.000. Elle subit de lourdes pertes : 92 tués, dont 58 dans l’explosion de l’immeuble Drakkar, survenu le 23 octobre 1983.

Quant à la FINUL, ses effectifs qui étaient de 7.000 en 1982 tombent à 5.660 en 1987, dont 530 Français. Réduit à 250 en 1998, l’effectif français est remonté à 1.300 soldats, équipés de chars Leclerc, sur un total de 12.000 .

Afrique

Par son opération ONUC menée de 1960 à 1964, l’ONU a contrôlé le retrait des forces belges du Congo, et aidé le gouvernement à assurer l’ordre. En 1977, la guerre s’installe au Katanga. Lorsque 39 Européens sont massacrés dans la cité minière de Kolwezi, la France décide d’intervenir. Le 19 mai 1978, le 2ème REP du colonel Erulin saute sur Kolwezi et règle le problème, grâce à l’appui du colonel Gras, Attaché militaire à Kinshasa.

La poursuite de la guerre civile conduit l’ONU à intervenir à nouveau. Créée en 1999, la MONUC, dont l’effectif a atteint 17.000 Africains, s’efforce de calmer le jeu dans la province nord-est du Kivu, non sans d’énormes difficultés.

Ayant éliminé la rébellion au Cameroun de 1957 à 1964, la France a déclenché l’opération ARAMIS en 1996. De juin à septembre 2003, 900 Français participent en Ouganda à l’opération ARTEMIS destinée à suppléer la force interafricaine de la MONUC. A l’effectif de 1.200, dont 900 Français, cette force a permis de tenir en attandant un renfort de moyens de la MONUC.

En 1990, la France a mis en place un dispositif maritime permanent, appelé CORYMBE, en vue de contrôler le golfe de Guinée.

En 1993, le contrôle des accords de paix au Rwanda, signés à Arusha, qui mettaient fin à la guerre civile, est confié à la MINUAR. Cette opération de l’ONU, qui comptera jusqu’à 5.200 h durera jusqu’en mars 1996.

La destruction de l’avion du président rwandais en avril 1994 déclenche le génocide hutu ( 1 à 1,5 million de tués). Le général Lafourcade dirige l’opération Turquoise de juin à août 1994 avec 2.500 hommes. Il crée dans le sud-ouest du pays une zone humanitaire sûre où sont recueillis et sauvés du massacre des centaines de milliers de civils rwandais.

De 1974 à 1978, la France intervient au Tchad contre les rebelles du Tibesti (affaire Claustre et opération Tacaud). Après avoir conduit l’opération MANTA en 1983, l’armée française engage 1.280 militaires dans EPERVIER en 1986 et obtient le cessez-le-feu en 1987. A N’Djamena et Abeché, elle assure la protection de 3.000 ressortissants occidentaux et appuie le gouvernement tchadien en 1990 et 2006.

En 1979, l’opération Barracuda élimine le général-président Bokassa de République centre-africaine. En 1997, 200 Français y participent à MISA B. En 2007, 420 militaires du détachement Boali apportent un soutien opérationnel et logistique aux forces centre-africaines.

En novembre 2007, l’Union européenne décide de protéger les civils menacés à la frontière du Darfour avec le Tchad et Centre-Afrique. C’est l’opération EUFOR à laquelle participent 2.095 Français : il est intéressant de noter la composition internationale de cette mission, dirigée par un général Irlandais disposant d’un QG français, elle comporte des Polonais, des Autrichiens, des Suédois, des Irlandais et des Néerlandais. Elle a été relevée courant 2009 par une force de l’ONU de 6.000 hommes. Une vingtaine de gendarmes participent à MINURCAT, mission ONU de protection des réfugiés du Darfour. Elle a un effectif de 279 dont 235 policiers.

En dépit d’un coût élévé, cette opération a sécurisé l’est du Tchad et favorisé le retour des réfugiés. Elle reste en butte au banditisme et au recrutement forcé des enfants-soldats.

Après avoir engagé, en décembre 1992, 2.120 Français à l’opération ORYX, dans le cadre de Restore Hope en Somalie, la France participe de 1993 à 1994 à l’opération onusienne ONUSOM II. Avec 1.100 hommes, le colonel Stouff pacifie Baidoa et récupère 1.500 armes. Les Français interviennent à Mogadiscio en juin 1993 au secours des Pakistanais, et se replient en janvier 1994 à la suite de l’échec américain.

En 2001, 178 Français prennent part sur la frontière entre Erythrée et Ethiopie à l’opération MINUEE, qui durera jusqu’en 2005.

En septembre 2002, la rébellion des tribus du Nord de la Cote d’Ivoire provoque le déclenchement de l’opération française LICORNE où sont engagés 1.600 hommes, placés en interposition entre les deux camps. En 2004, ils sont relevés dans cette mission par une force de l’ONU, l’ONUCI, à l’effectif de 6.000, dont une compagnie française.

Le 6 novembre 2004, un raid de l’aviation ivoirienne contre le camp français de Bouaké tue 9 soldats français. En représailles, les Français détruisent l’aviation ivoirienne.

Montés à 2.400, les effectifs français sont tombés en 2008 à 1.800, et devraient passer à 900 en 2009, grâce aux résultats obtenus : le conflit a été interrompu et l’économie préservée. En avril 2011 cependant , le maintien illégal du président Gbagbo entraîne une nouvelle intervention qui rétablit le nouvel élu Ouassara à la tête de l’Etat. Licorne est réduit à 700h. à l’été 2011.

Le 19 mars 2011 commence en Libye l’opération Harmattan, sous commandement OTAN, contre les troupes fidèles au président Kadhafi. La résolution de l’ONU 1973 vise trois objectifs : l’exclusion aérienne, la protection des populations et l’embargo des armes. La France engage 18 avions de chasse à la Sude (Crète), 5 en Sicile, 18 hélicoptères à partir du BDC Tonnerre et 4 bâtiments dont le porte-avion Charles de Gaulle. La ville de Benghazi est protégée, puis l’offensive des forces révolutionnaires vers Tripoli et Syrte est appuyée par les moyens aériens alliés, sans intervention terrestre. L’élimination de Kadhafi le 20 octobre permet d’envisager la fin de l’opération.

 Asie et Océan indien

En 1991, 114 Français vérifient le processus de cessez-le-feu au Cambodge. De mars 1992 à septembre 1993, 1.450 Français participent à l’opération APRONUC, destinée à mettre en application les accords de Paris. C’est un demi- succès, les factions rivales refusant d’être désarmées ; mais 300.000 réfugiés sont rapatriés, et les élections législatives sont une réussite.

A la fin du régime taliban en 2002, la France intervient avec 2.800 h en Afghanistan et 600 h en soutien aérien et maritime. Elle participe aux Task Force 150 et 57. Six avions de chasse, 1 ravitailleur et 2 CA 160 sont basés à Kandahar, Bagram et Douchambé. 20 Rafale du Charles de Gaulle interviennent à l’occasion. Un renforcement de 1.100 hommes a été mis en place en 2008.

Dans le cadre de la Force internationale d’assistance et de sécurité ( FIAS) et de Enduring Freedom, les moyens terrestres comprennent :

  • le commandement régional de Kaboul (opération PAMIR), où la France entretient un escadron d’hélicoptères et un Bataillon de commandement et des Services de 500 h, qui gère l’hôpital militaire international,
  • des Groupements tactiques interarmes dans les vallée de la Kapisa et de Surobi (est de Kaboul),
  • 280 instructeurs de l’armée afghane (EPIDOTE et Operational Mentor Liaison Team).
    C’est l’opération la plus difficile : 1100 soldats de l’ONU tués en huit ans, dont 75 Français. Le retrait d’Afghanistan est planifié en 2014, il a commencé en octobre 2011.

Sur initiative française de juin 2008, la lutte contre la piraterie dans l’Océan indien est assurée par l’opération européenne ATALANTE, qui comporte 4 volets : dissuasion, prévention, protection et intervention au large de la Somalie et du golfe d’Aden. 2 navires français et un avion Atlantic sont engagés, soutenus à partir de Djibouti, en liaison avec l’opération Allied protection de l’OTAN.

Balkans

Engagée en Croatie et en Bosnie en 1992, l’armée française s’installe sur le mont Ingman en 1993, crée des zones de sécurité et reprend le pont de Verbanya en mai 1995, mais elle ne peut s’opposer au massacre de S’rebrenica en juillet. Elle intervient en Albanie en 1997, en Macédoine en 1998, et participe à l’opération de l’OTAN au Kosovo en 1999. Les généraux Morillon, Cot, Janvier et de la Presle s’efforcent d’obtenir de l’ONU des directives et des moyens d’action efficaces.

Dans le cadre de la KFOR, créée en 1999, la France est responsable du Nord du Kosovo (Mitrovica) où elle déploie 1800 hommes. 145 civils Français participent à la mission européenne EULEX, qui a été installée en décembre 2008, et doit remplacer la MINUC. 90 h participent à ALTHEA. L’opération est en passe de réussir, malgré les incertitudes de la reconnaissance du Kosovo et de l’insécurité des enclaves serbes. Les effectifs ont été réduits à 300 h.

Opérations maritimes.

Conformément à sa vocation de présence dans le monde, la marine intervient sur tous les océans. En 1995 par exemple, la marine est présente à Djibouti, Nouméa, Mururoa, Cayenne, Fort de France, Pointe à Pitre, Papette, Mayotte, dans l’Océan Indien, dans le Golfe de Guinée.

En 2008, deux navires français participent à la Task-Force 448 de contrôle des cotes libanaises. En 2009, la marine française participe à l‘opération Germinal de surveillance des cotes de Gaza, et recherche les débris des appareils A320 disparus dans l’Atlantique et aux Comores.

Opérations aériennes

L’armée de l’Air et l’Aéronavale ont été engagées dans plusieurs missions extérieures. En mai 1978, les Jaguar interviennent contre le Polisario. Le 17 novembre 1983, est exécuté un raid de représailles contre Baalbeck. De 1993 à 1995, l’appui de la Forpronu en Bosnie est assuré par l’opération Deny Flight, à partir de l’Italie. Les Mirage interviennent dans la guerre du Golfe et les Rafale en Afghanistan.

Opérations de police

La plupart des OPEX comportent une composante policière. L’intervention de la gendarmerie à la Mecque en novembre 1979 est la plus connue. Il faut aussi citer la participation à MINUSTHA en Haïti en 2004.
Action humanitaire.

La France a participé à de nombreuses missions humanitaires à l’occasion de catastrophes naturelles. L’EMMIR (élément médical militaire d’intervention rapide), devenu Bioforce, est intervenu depuis 1970, aux côtés du navire-hôpital La Rance . 600 hommes ont été déployés en Haïti en 2010.
Les unités de protection civile participent à la recherche des disparus lors des tremblements de terre. Les évacuations de ressortissants occidentaux sont des opérations courantes, de même que le soutien des ONG, le déminage, la formation de démineurs, et la livraison des vivres du programme alimentaire mondial (PAM). 3.000 ressortissants ont été évacués de Cote d’Ivoire au début de 2011.
92 médecins militaires, dont 42 en OPEX, servent outremer. Une assistance technique est mise en œuvre dans huit pays. Elle comprend formation des personnels et coopération scientifique.

Le coût des OPEX.

Les OPEX ont occasionné des pertes qui ne sont pas légères : plus de 400 soldats français au total ont été tués, dont 150 au Liban, 132 au Tchad, 91 en Yougoslavie, 11 au Zaïre, 75 en Afghanistan.
En terme budgétaire, les OPEX entraînent des surcoûts, ils s’élèvent à 1.190 M€ en 1993, 672 M€ en 2002 et 850 M€ en 2008 (euros courants - voir courbe en millions d’euros constants). Le surcoût de 2011 s’élève à 1,3 milliards dont 430 M€ pour la Libye. Les rémunérations des personnels représentent 50% du coût total, soit un coût unitaire par homme engagé de 39.000 euros en Afrique à 43.000 en Afghanistan et 46.000 dans les Balkans. Le gouvernement s’efforce de budgétiser ces surcoûts et d’obtenir des remboursements de l’ONU et de la CEE (Comité politique et de sécurité ATHENA).

Bilan.

Selon Pierre Messmer, les opérations extérieures présentent des difficultés de financement, de mise en œuvre de commandements interalliés non opérationnels, de directives onusiennes non adaptées et de coordination entre le militaire et l’humanitaire. Souvent elles se heurtent à des situation anarchiques, à l’opposition irréductibles d’ethnies ou à une politique de nettoyage ethnique.

Les opérations dirigées par une seule nation (Etats-Unis) ont réussi, sauf en Somalie, ainsi que celles de la France en Afrique. La stabilisation des situations demande des années de présence.

Faisant le point en février 2010, le Chef d’état-major des armées Georgelin constate une diminution des effectifs militaires de 3.500 en un an. « Cette diminution a été rendue possible par les évolutions positives que nous enregistrons… notamment au Kosovo, en Côte d’Ivoire, au Tchad et dans une moindre mesure au Liban. Ces évolutions soulignent que les notions de sortie de crise et de réversibilité sont bien réelles ».

Sur le plan stratégique, ces évolutions se sont traduites par un rééquilibrage de la dissuasion au profit d’un concept de projection-action non nucléaire. Engagées sur plusieurs fronts à la fois, elles nécessitent un professionnalisme accru des personnels, et des moyens de protection et de renseignement adaptés.

Avenir envisagé

Le Livre blanc de 2008 définit comme suit les capacités attendues des forces françaises jusqu’en 2020 :

  • participation de 30.000 h. à des opérations multinationales conduites à 7-8000 kilomètres pendant un an, sous commandement d’un Etat-Major interarmées stratégique,
  • soutien maritime par un porte-avion, 2 à 3 bâtiments de projection, des frégates d’escorte et 1 ou 2 sous-marins d’attaque,
  • projection de 70 avions de combat avec leur soutien opérationnel,
  • dispositif de prévention concentré sur un point d’appui par façade africaine et dans le Golfe persique,
  • souveraineté maintenue dans les DOM-TOM par des moyens concentrés en Guyane, Réunion et Nouvelle-Calédonie,
  • réactions ponctuelles d’évacuation de ressortissants, d’opérations de rétorsion ou d’aide humanitaire,
  • projection en 5 jours d’un échelon d’urgence de 1.500 h. à 7-8000 km.
  • réduction de 20% des effectifs de maintien de la paix.

La réforme de la Constitution du 23 juillet 2008 impose (article 35) d’informer le Parlement dans les trois jours qui suivent l’engagement des forces. La prolongation au-delà de 4 mois doit être approuvée. C’est ainsi qu’en janvier 2009, l’Assemblée nationale et la Sénat ont approuvé la prolongation de cinq opérations.

La conférence de Londres de janvier 2010 modifie la stratégie en Afghanistan. Outre la moralisation de l’administration afghane, elle poursuit un but politique. La guerre au milieu de la population, sur le modèle de Galula et Trinquier, implique une stratégie globale. L’aide militaire à l’armée afghane doit être confortée par l’action civilo-militaire, sociale et économique.
 

SOURCES

 

  • SIRPA : Défense en chiffres, 1977 à 1992,
  • SHAT : Réorganisation des forces outremer (1R192) – Effectifs outremer ( 7T 264)
  • Parisot colonel et général Lagarde, De Bizerte à Sarajevo, Lavauzelle, 1995,
  • Miquel Pierre. 50 ans d’armée française. La Martinière, 1995.
  • Pascallon Pierre, Les interventions extérieures de l’armée française, édition Bruylant, Bruxelles 1997
  • Cot général Jean. Demain la Bosnie, l’Harmattan, 1998.
  • Revue trimestrielle : Infos extérieures, la revue du militaire en mission. FNAME, Lyon.
  • Troupes de Marine : Annuaire 2008 et 4 siècles d’Histoire, Lavauzelle, 2002.
  • Brigot André : les prix des OPEX, Débat stratégique, 2004.
  • Hébert Jean-Paul : 20 milliards d’euros dans les OPEX depuis 1976, Débat stratégique, avril 2008.
  • Le Peillet général Pierre. Quel avenir pour le maintien de la paix ? Exposé à l’ONU, Genève, mai 2005
  • Rapports de l’Assemblée nationale, 29 mars 2005, 20 février et 11 octobre 2007, 1er juillet 2009.
  • Durville Emmanuel, Parlement et opérations extérieures, revue Defnat juillet 2009
  • Irastorza, général CEMAT, L’armée de terre engage sa modernisation, revue Defnat, juillet 2009,
  • Georgelin Jean-Louis, général CEMA, audition à la Commission de Défense nationale, le 9 février 2010,
  • Guillaud Edouard, amiral CEMA, article de Armées d’aujourd’hui, mars 2010,
  • Martini colonel Jean-François, audition pa r la Commission Défense nationale de l’Assemblée,
  • Durieux colonel Benoît, Point-Presse du ministère de la Défense, le 11 mars 2010,
  • Charmot professeur, missions actuelles du service de Santé, exposé du 12 mars 2010 au Val de Grâce.

CITATIONS relatives à l’AFGHANISTAN et à la LIBYE

  • Général Jean-Louis Georgelin, CEMA, le 31 janvier 2010 au Figaro :

Il faut arrêter de poser la question en termes de victoire ou de défaite militaire. En Afghanistan, nous cherchons à obtenir une stabilité suffisante pour que les Afghans prennent en charge leur avenir et leur sécurité, et cet objectif est atteignable et raisonnable… Nous ne sommes pas du tout dans l’optique de rechercher une victoire militaire.

  • Amiral Edouard Guillaud, CEMA le 1er mars 2010, article dans Armées d’aujourd’hui :

L’objectif que nous avons défini avec nos partenaires au sein de l’Otan, C’est celui de la FIAS (force internationale d’assistance à la sécurité) : atteindre un niveau de stabilité suffisant pour permettre aux forces de sécurité afghanes de prendre le relais. L’atteinte de cet objectif suppose une recherche d’efficacité accrue à la fois dans nos opérations de sécurisation, nos opérations au profit de la population et nos actions de formation et de tutorat auprès de l’armée afghane. Nos OMLT oeuvrent remarquablement avec l’armée nationale afghane, comme vient de le souligner le commandant de la FIAS, qui évalue nos instructeurs parmi les meilleurs de la coalition…

Par ailleurs je souhaite intensifier l’effort ssur les opérations menées conjointement entre la brigade La Fayette et les forces afghanes, pour parvenir progressivement à leur pleine autonomie…Le patient et opiniâtre travail de notre brigade est en train de modifier l’état d’esprit des populations da la Kapisa et de la Surobi, ce que les talibans de toute obédience prennent pour une menace pour leurs rackets et leurs exactions.

  • Colonel Benoît Durieux, commandant le GTIA Surobi d’août 2009 à janvier 2010. Point de presse du 11 mars 2010 :

Avec l’armée afghane, on a des rapports d’estime, de confiance très importants, mais ce qui est très important, c’est de leur laisser le maximum de liberté…Et le jour où nous aurons réussi à ce qu’ils remplissent parfaitement les missions sans nous, nous aurons gagné.
Dans la vallée d’Uzbeen, la situation s’est bien améliorée…tous les gens sur place le disent et en sont conscients.
 Colonel Jean-François Martini, Commandant la brigade d’OMLT d’avril à novembre 2009, audition par la Commission Défense de l’Assemblée.

Les OMLT (operational mentoring liaison team) sont chargées de la formation des militaires de l’armée afghane et ont une importance » cruciale pour nous Français….Je suis convaincu de l’efficacité de cette mission de supervision. Je crois que c’est dû en grande partie à la relation de confiance qui existe entre Français et Afghans. Les soldats mangent ensemble, se battent ensemble, apprennent à se connaître…Lorsque je me déplaçais avec le général Razik, il me présentait comme « son frère », terme très fort dans la culture afghane. Les soldats afghans sont d’excellents combattants…ils sont indépendants de tout impératif tribal et sont fidèles à l’Etat.
Amiral Edouard Guillaud, le 5 octobre 2011 devant la Commission Défense de l’Assemblée nationale :

Aucune armée de l’air, de terre ou de mer, ne détient seule la capacité de résoudre une crise. C’est leur complémentarité et la combinaison de leurs moyens qui donne de l’efficacité à l’action militaire. C’est aussi leur niveau de préparation, d’entraînement et de réactivité qui permet d’agir vite et d’aller droit au but. Nous avons ainsi assisté au retour des opérations combinées…exigeant un mécanisme d’horlogerie que très peu de pays sont capables de réaliser. C’est la grande leçon de l’intervention en Libye.